Test réalisé sur PS5, après 15h de jeu, avec une version fournie par Infuse Studio (via Press Engine).
Quelques années après un premier épisode remarqué pour sa douceur et son atmosphère envoûtante, Infuse Studio revient avec Spirit of the North 2. Une suite qui, à première vue, promet de faire évoluer la formule en offrant plus de mécaniques de jeu, une exploration plus ouverte, et un récit plus incarné. L’intention est là, ambitieuse. Mais le résultat, lui, peine à tenir toutes ses promesses. Derrière la splendeur visuelle se cache une expérience trop souvent desservie par ses limites ludiques.
Une direction artistique majestueuse, au service de l’immersion
Sur le plan visuel, Spirit of the North 2 est un véritable bijou d’élégance. Porté par l’Unreal Engine 5, le jeu propose des environnements à couper le souffle : des plaines gelées balayées par le vent aux cavernes bioluminescentes mystérieuses, en passant par des ruines ancestrales imprégnées d’énergie mystique. Chaque région traversée semble peinte à la main par des artistes inspirés, et le jeu trouve sa force dans une cohérence artistique rare.
La renarde, protagoniste silencieuse de cette aventure, glisse à travers les décors avec une grâce certaine. Son pelage réagit à la lumière, changeant subtilement selon les pouvoirs qu’elle acquiert au fil de l’aventure. L’absence de dialogues ou de texte explicite n’empêche pas l’émotion d’émerger par endroits, notamment grâce à une bande-son orchestrale tout en finesse, composée de thèmes mélancoliques qui renforcent le sentiment de solitude et de mystère.
Cependant, si la direction artistique est à saluer, elle finit aussi par se répéter dans ses motifs : mêmes structures, même brume bleutée omniprésente, et un manque de variété dans les biomes, malgré l’apparente ouverture du monde.
Une exploration plus ambitieuse, mais mal canalisée
L’une des promesses phares de Spirit of the North 2 est d’ouvrir davantage le monde à l’exploration. Là où le premier jeu était très linéaire, Spirit of the North 2 opte pour une structure semi-ouverte, organisée en grandes zones interconnectées. Ce changement est, sur le principe, une excellente idée : il favorise l’immersion, pousse le joueur à l’observation, et encourage l’exploration non dirigée.
Ce qui vient toutefois enrichir notablement l’exploration dans Spirit of the North 2, c’est l’arrivée d’un compagnon de voyage : un corbeau spectral. Ce dernier ne se contente pas d’être décoratif : il joue un rôle actif dans l’exploration et dans certaines mécaniques de jeu. Il peut être envoyé à distance pour activer des mécanismes, récupérer des objets inaccessibles, ou indiquer des zones d’intérêt. En clair, il devient une extension de la renarde, presque une deuxième paire d’yeux dans ce monde hostile et brumeux.
Cette dynamique renforce l’aspect puzzle et ajoute une vraie plus-value dans certaines séquences, où l’on doit faire interagir les deux personnages à distance pour progresser. Malheureusement, là encore, la reconnaissance des commandes reste perfectible. Le positionnement du corbeau est parfois erratique, et certaines actions peinent à se déclencher correctement, notamment lors d’interactions simultanées.
Malheureusement, cette exploration souffre d’un balisage trop flou. Faute d’interface claire ou de réelle carte, il arrive fréquemment de tourner en rond sans savoir si l’on suit le bon chemin ou si l’on s’égare. L’absence d’objectifs visuels nets alourdit cette sensation de perte, d’autant que la topographie des environnements manque parfois de lisibilité (falaises identiques, chemins qui se ressemblent).
Côté contenu annexe, le jeu propose quelques collectibles dissimulés : esprits de renards à libérer, fresques anciennes à activer, ou encore artefacts rituels à déterrer. Ces éléments ont le mérite de prolonger la durée de vie (environ 8 à 10 heures pour les plus complétistes), mais restent trop mécaniques. Il n’y a pas de véritable quête secondaire, pas de narration parallèle ou de secrets véritablement marquants. On explore pour explorer, sans toujours être récompensé à la hauteur de l’effort fourni.
Des mécaniques enrichies, mais trop imprécises
Côté gameplay, Infuse Studio a cherché à étoffer la formule. Dans Spirit of The North 2, à mesure que l’on progresse, la renarde obtient de nouveaux pouvoirs spirituels, liés à l’interaction avec des obélisques et des sanctuaires. On peut ainsi activer des glyphes, matérialiser des ponts de lumière, se projeter à travers des portails éthérés, ou encore fusionner brièvement avec un aigle spectral pour survoler les zones.
La synergie entre la renarde et le corbeau constitue pourtant une des trouvailles les plus intéressantes du jeu. Là où le premier Spirit of the North souffrait d’un certain isolement mécanique, cette relation introduit un peu de complexité. Elle évoque presque le duo Trico/Joueur dans The Last Guardian — à une échelle bien plus modeste, certes — mais avec cette idée de coopération silencieuse entre deux entités liées par un but commun.
Cependant, là aussi, les limites techniques freinent l’enthousiasme. Le corbeau se bloque parfois sur des obstacles invisibles ou tarde à revenir après une action, ce qui casse le rythme de certaines énigmes. On sent que le potentiel était là, mais que l’exécution manque encore de fluidité.
Les puzzles environnementaux se complexifient légèrement et les phases de plateforme gagnent en verticalité. Pourtant, là encore, la réalisation technique reste à la traîne. Les contrôles de la renarde sont toujours un peu flottants, la caméra est capricieuse dans les espaces étroits, et la précision des sauts laisse à désirer. Trop souvent, la frustration prend le pas sur la contemplation, surtout lorsque l’on tente d’atteindre une corniche en apparence accessible mais mal calibrée.
Les énigmes, quant à elles, manquent de renouvellement. La plupart consistent à activer des symboles dans un ordre précis ou à déplacer des orbes lumineuses. On aurait espéré plus d’ingéniosité, notamment dans la façon dont les nouveaux pouvoirs interagissent entre eux. Finalement, ces mécaniques deviennent des routines plus qu’un réel plaisir de jeu.
La narration de Spirit of the North 2, toujours en filigrane
Comme son prédécesseur, Spirit of the North 2 mise sur une narration purement environnementale. Il n’y a ni texte, ni dialogue, ni journal de bord. L’histoire est livrée par bribes, à travers les visions de la renarde, les ruines figées dans le temps, ou les statues de renards pétrifiés que l’on croise çà et là.
L’idée, empruntée aux jeux comme Journey ou Abzû, est séduisante. Mais ici, elle manque de force évocatrice. Le lien entre les visions et la progression du joueur reste trop abstrait, les émotions sont plus suggérées que vécues, et le monde peine à raconter quelque chose de vraiment fort. Même les retrouvailles avec certains esprits renards manquent d’impact émotionnel, alors qu’elles auraient pu constituer des sommets narratifs.
Le corbeau, en plus de ses fonctions ludiques, tient aussi un rôle symbolique fort. Sa présence, plus mystérieuse qu’explicitement expliquée, semble liée à la mémoire, à la perte et à la quête d’équilibre. À travers lui, le jeu explore discrètement les thèmes du cycle de la vie, du deuil et de la transmission. Mais à l’instar du reste de la narration, ces éléments restent trop souvent suggérés plutôt qu’incarnés. On aurait aimé que cette relation soit mieux mise en valeur dans la mise en scène, avec davantage de moments partagés, ou des animations spécifiques renforçant leur lien.
Technique : propre, mais encore perfectible
Sur le plan technique, le studio a fait des progrès notables. Le jeu tourne de façon fluide sur consoles de dernière génération, avec des effets de lumière maîtrisés et un niveau de détail impressionnant pour une production indépendante. Les bugs sont rares, les temps de chargement quasi inexistants.
Toutefois, quelques ralentissements surviennent dans les zones très ouvertes ou en cas de changements de plans trop brusques. Le comportement de la caméra et la gestion des collisions, eux, restent problématiques – souvent plus dus à des choix de conception qu’à la puissance de la machine.
Spirit of the North 2, une belle promesse, mais encore trop inaboutie
Spirit of the North 2 est une œuvre généreuse dans son intention, artistique dans son essence, et résolument unique dans sa proposition. Infuse Studio livre un monde visuellement splendide, chargé de poésie et d’atmosphère. Mais malgré une volonté d’approfondissement, le jeu reste prisonnier de sa propre lenteur et d’un gameplay qui ne progresse pas suffisamment.
À ceux qui cherchent une aventure sensorielle, douce et contemplative, cette suite offrira des moments de grâce indéniables. Pour les autres, en quête d’une expérience plus incarnée, rythmée ou mécaniquement maîtrisée, la magie risque de s’estomper trop rapidement.
Points positifs :
- Une direction artistique sublime
- Une bande-son envoûtante et bien intégrée
- Des pouvoirs spirituels intéressants sur le papier
- Une volonté d’élargir l’exploration
Points négatifs :
- Des contrôles toujours trop imprécis
- Une caméra capricieuse
- Des énigmes répétitives
- Un open world souvent trop vide
- Une narration trop effacée
- Un contenu annexe sans véritable impact