Test réalisé sur PlayStation 5, après 40h de jeu, avec une version fournie par Dark Point Games.
Toujours dans l’univers de la grèce antique et des dieux, je vous propose aujourd’hui le test du nouveau jeu de Dark Point Games, Achilles: Survivor.
Chronologie troyenne
Depuis Achilles: Legends Untold, Dark Point Games cultive une vision claire : un univers mythologique cohérent, décliné selon des grammaires de jeu complémentaires. Achilles: Survivor n’est pas un à-côté anecdotique, mais la suite logique d’un récit déjà posé : la légende raconte qu’Achille a pactisé avec Hadès pour vaincre à Troie, qu’il devait ensuite livrer son âme, et qu’il s’est finalement échappé du Tartare, provoquant la fureur du dieu des Enfers.
Le spin-off s’inscrit précisément là, dans l’« après », quand les portes s’ouvrent et que les créatures infernales déferlent. Ce contexte donne du sens à la bascule vers le survivor-like : on n’y reconstruit pas une campagne, on y rejoue une fuite héroïque, run après run. La sortie en version 1.0, après sept mois d’accès anticipé sur Steam, entérine cette orientation et apporte la mouture console sans concession, avec la même cadence de jeu et la même lisibilité que sur PC. Loin de neutraliser l’ADN action-RPG de la maison, Achilles Survivor en recycle les lieux, les figures et l’iconographie pour forger une proposition plus nerveuse.
On traverse les remparts meurtris de Troie, on longe les gisements de métal, on repère les drapeaux bleus où ériger ses défenses. C’est cette continuité qui impressionne : Dark Point Games ne plaque pas un thème sur un genre à la mode, il relie Achilles: Survivor à une chronologie et à un imaginaire déjà habités, tout en leur donnant une forme accessible, rythmée et hautement rejouable. Spin-off assumé, suite naturelle, positionnement limpide : la cohérence est totale et immédiatement perceptible en jeu.
Achilles: Survivor et sa boucle de gameplay
Au premier contact, Achilles: Survivor coche les cases du bullet hell moderne : déplacements au stick, attaques qui se déclenchent automatiquement, orbes d’EXP à ramasser au sol, montée de niveau proposant des bonus choisis parmi plusieurs options. La nuance décisive, et donc le tempo, vient du rythme d’acquisition des compétences actives.
Ici, la montée en puissance est volontairement contenue : de nouvelles compétences ne tombent qu’aux niveaux 5, 12 et 20. D’ici là, le leveling nourrit surtout les statistiques (PV, esquive, vitesse), les dégâts, les chances de critique, ou des passifs utiles (portée de ramassage, gain d’EXP). Cette retenue modifie profondément la lecture du run, parce qu’elle pousse à exploiter la position, les fenêtres de mobilité et l’environnement.
L’autre facette fondamentale, c’est la Forge, qui permet de transformer les pouvoirs existants en variantes plus tranchées : cônes persistants, perforations supplémentaires, zones qui s’étirent. Couplé au choix de durée — la mission standard exige 20 minutes de survie, tandis qu’un format plus court de 10 minutes dynamise les sessions — le jeu impose des arbitrages permanents. On accepte parfois une montée en puissance tardive si, en contrepartie, la carte offre de quoi respirer. Et lorsque la RNG distribue un kit trop timide, on prépare déjà l’étape suivante, en visant les emplacements clés ou l’upgrade charnière. Achilles: Survivor ne truque pas la difficulté, il la construit à partir d’un cadre lisible, d’un rythme tendu et de petites décisions qui finissent par faire une grande différence. Paliers stricts, lisibilité forte, pression croissante .
Construction, ressources et topographie de la survie
La singularité d’Achilles: Survivor tient surtout à sa composante « building », une idée simple et diablement efficace. Achille récolte du métal sur les cadavres, sur les gisements disséminés et en capturant des mines ; il faut rester quelques secondes dessus pour les activer, puis ces points génèrent du minerai à intervalles réguliers. Sur la carte, des drapeaux bleus matérialisent les emplacements où bâtir. Une fenêtre s’ouvre, propose trois structures (+1 la Forge si une compétence peut être améliorée) au hasard parmi un pool restreint au départ, et exige un court temps d’immobilité pour fabriquer l’édifice. En réalité il faut rester dans le cercle, un peu à la manière d’un mode « Capture de drapeau ».
Les usages sont immédiatement lisibles : une tourelle repousse périodiquement, une autre crache des flammes, une autre fait jaillir des pieux autour d’elle, un sanctuaire soigne à intervalles réguliers, le cheval de Troie appelle des renforts. Rien n’est éternel : chaque structure a une durabilité propre, mesurée en points de vie ou en nombre d’activations, ce qui oblige à penser la carte comme un consommable stratégique.
La mini-carte signale gisements, mines, drapeaux et quêtes dynamiques — coffre à récupérer, passage à fermer —, de quoi enchaîner XP, métal, or, gemmes et reliques tout en gardant le fil des priorités. Cette topographie outille parfaitement la montée en puissance bridée par les paliers : quand on ne peut pas « s’aveugler » de compétences actives, on dessine le terrain pour compenser. La mission principale demeure identique — tenir vingt minutes —, mais les objectifs secondaires introduisent des paris calculés : nombre de structures à poser, total de dégâts à infliger, quotas spécifiques.
Achilles: Survivor se démarque ainsi par une dialectique rare dans le genre : build du héros, build de la carte, et position du joueur, tous trois constamment entremêlés. La carte devient une arme autant qu’un refuge.
Le choix du survivant …
Le roster dépasse largement Achille et sert de boussole aux styles de jeu. Pâris incarne la précision à distance, la Pythie maîtrise les contrôles de zone, Brontès et Stéropès jouent les tanks cyclopéens, Hector et Agamemnon imposent leur massue de guerriers tandis que Prométhée répand la brûlure. Chaque héros correspond à une classe avec compétence de départ, statistiques et bonus initiaux spécifiques, ce qui conditionne les premières minutes du run et l’horizon de synergies.
Les déblocages ne sont pas automatiques : il faut réussir des défis (terrasser Hector avec Achille, exterminer un quota de squelettes, etc…) pour ajouter une âme à la sélection. Puis commence le véritable investissement : chaque héros doit cumuler 5 000 éliminations pour activer son pouvoir passif, souvent une pierre angulaire qui fait exploser un playstyle. Entre les runs, on n’avance jamais à vide. Les oboles et autres ressources (gemmes, adamant, reliques) financent des améliorations permanentes regroupées dans des Faveurs réattribuables, de quoi renforcer les héros, booster la génération d’EXP, doper les critiques, muscler les structures.
Achilles: Survivor mise sur la variété des classes et la granularité de la méta pour rendre chaque session différente, même sur une carte déjà connue. Défis de déblocage, passifs exigeants, méta généreuse : c’est une progression qui se savoure sur le long terme.
Un bullet hell roguelike convaincant ?
Les dernières minutes d’un run sont un concentré de sueur froide. Quand Achilles: Survivor lâche simultanément Squelettes, Cyclopes, Géants, Mages des Enfers et Mygales, l’écran devient une marée noire où la moindre faute coûte très cher. Les élites et champions encore debout imposent leur pression, et il n’est pas rare qu’un objectif supplémentaire surgisse quand le chronomètre s’approche de l’échéance, obligeant à une traversée risquée pour valider une fermeture de faille ou récupérer un coffre.
C’est là que la dialectique héros-structures fait merveille : on attire le flot vers un corridor de pieux, on respire sur un sanctuaire, puis on remonte la file tant bien que mal. Techniquement, le jeu s’appuie sur Unreal Engine 5 et reprend la direction artistique de Legends Untold : décors antiques détaillés, effets de sorts lisibles, silhouettes propres et animations nettes. La version 1.0 fait honneur aux consoles : aucune faiblesse notable sur PS5, une fluidité stable même quand les effets et les ennemis saturent l’espace, et une maniabilité à la manette que l’on recommande.
Cette assise technique renforce la clarté globale, essentielle au genre. Reste le tarif (6.99€), plutôt doux, qui achève de rendre l’offre irrésistible pour quiconque aime les survivorlites de caractère. Ce n’est pas un simple clone : en assumant sa montée en puissance contenue, sa carte à construire, Achilles: Survivor fabrique une identité immédiatement reconnaissable. Solide, lisible, addictif : on y revient pour une autre tentative, puis une troisième, puis une de plus.
Points positifs :
- Système de construction brillant qui change la lecture du bullet hell et valorise le placement
- Roster convaincant (Achille, Pâris, Pythie, Brontès, Stéropès, Hector, Agamemnon, Prométhée…) et vraies classes différenciées
- Boucle méta généreuse : oboles, gemmes, adamant, Faveurs réattribuables ; progression longue et motivante
- Paliers 5/12/20, Forge et deux formats de run (20 min, 10 min) pour un rythme maîtrisé
- Technique carrée sous UE5, fluidité et lisibilité exemplaires sur consoles
- Prix attractif
Points négatifs :
- 5 000 éliminations par héros pour le passif : cap exigeant pour certains personnages
- Structures à durabilité limitée ; quand elles tombent en série, la difficulté grimpe par à-coups
- Bestiaire très dense en fin de run, parfois à la limite de la saturation visuelle
- Pas de coop, alors que la formule pourrait séduire en duo
- Grosse réutilisation des assets de Legends Untold sans vraiment de nouveauté si on connait le premier
- Des trophées qui ne tombent pas au bon moment et qui « freeze » pendant quelques secondes l’écran